"De la pression dynamique liée au mouvement d'un corps dans un fluide" ou "Comment tordre le cou à un serpent de Mer"

Le débat

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Voici le débat tel qu'il eu lieu sur le Forum de Chronomania.net - La Passion des Montres

Je le rapporte ici tel-quel. (la discussion originale d'août 2001 est toujours en ligne, ici)


Un nouvel article sur l'étanchéité des montres

écrit par Bruno le 07. Août 2001 01:43:39:

Bonsoir à tous,

je viens de terminer un article sur la pression dynamique engendrée par le mouvement sous l'eau. Les habitués des forums anglophones trouveront là une réponse scientifique mais didactique (je l'espère) à ce fameux débat : "puis-je prendre un bain avec ma montre étanche à 100m ?"

Bonne lecture et toutes les remarque sont les bienvenues.

Amitiés.

Bruno

Le Lien : "De la pression dynamique liée au mouvement d'un corps dans un fluide" ou "Comment tordre le cou à un serpent de Mer"


Pas d'accord, mais ... pas du tout ! :-(

écrit par Pierre le 07. Août 2001 14:50:45:

en réponse à: Un nouvel article sur l'étanchéité des montres écrit par Bruno le 07. Août 2001 01:43:39:

Bon, je sais, j'ai fait un champ "sujet" un peu accrocheur pour être sûr d'être lu (ce que c'est que la vanité !), mais ... je n'adhère pas à tes explications sur les limites d'étanchéités.

Bon, je suis d'accord avec notre ami Bernoulli, d'accord aussi avec le fait que l'on peut raisonnablement considérer l'eau comme incompressible aux vitesses et aux profondeurs qui nous intéressent, et globalement d'accord avec ce que tu dis dans ton article, sauf que ... la situation que tu décris ne correspond qu'à un cas particulier: la surpression créée sur la montre au cours de la nage sous l'eau, sur la face "amont" de celle-ci lorsqu'on se déplace.

Mais ... ce n'est pas là qu'est le danger, en fait.

Le principal danger est plutôt celui des impacts air-eau, et là ... ça peut faire très mal. Exemple: le plongeon dans l'eau. Si vous plongez comme un athlète olympique du grand plongeoir, vous ferez quelques éclaboussures qui remonteront plus ou moins haut, rarement plus que quelques mètre. Ceci parce que, en bon athlète entrainé, vous arriverez sur la surface de l'eau dans une position telle que la surface de votre corps frappant l'eau de front sera minimale (la tête rentrée entre les bras joints, les jambes tendues), bref, avec le plus faible "maître-couple" possible comme on dit, et vous ne créerez que de faibles perturbations de pression. Notez cependant que si certaine gouttes montent a 5 m de haut, ça veut déjà dire que vous avez localement crée une demi-atmosphère de pression. Si en revanche vous êtes plutôt du genre loukhoum de matelas de plage, alors ... un gros impact frontal viendra arroser tout le monde à 10 mètres aux alentours. D'où vient toute cette énergie ? De grosses surpressions locales produites sur l'eau lors de l'impact.

Bref, conclusion: les phénomènes d'impacts brusques sur la surface de l'eau peuvent créer localement des surpressions bien plus grandes que la fameuse pression dynamique liée à la vitesse. Ceci est dû à un ensemble de phénomènes hydrodynamiques complexes lié à la focalisation d'ondes de surface ou même (si l'impact est violent comme dans le cas de vagues sur une jetée) d'ondes de choc (et oui, les mêmes que celles des avions supersoniques).

Deux expériences de la vie "presque quotidienne" illustrent ce fait:

Expérience 1: tenez un verre à moitié rempli entre vos deux doigts, bien droit, à bout de bras, et laissez-le tomber sur le sol: l'eau jaillit du verre et ... remonte plus haut que votre bras. Pourtant, lorsqu'on lache une balle du bout du bras, elle ne remonte JAMAIS plus haut que le bras. D'où vient cette énergie "supplémentaire" ? De la focalisation des ondes de surfaces crées lors de l'impact, et du passage d'une véritable onde de choc (eh oui) au travers de la surface lorsque le verre touche le sol. Conclusion: localement, la surpression crée (qui projette les gouttes en l'air) a été supérieure à celle produite par la simple vitesse du verre au moment de l'impact.

Expérience 2: l'usure des hélices de bateau par cavitation.
Qu'est-ce que la cavitation ? Lorsqu'on se déplace dans l'eau, on crée localement des surpressions (Bruno l'a très bien expliqué dans son texte), mais aussi des dépressions. En d'autres termes, il y a des endroits où la pression est plus forte que la pression moyenne et des endroits où elle sera bien plus faible. Tellement faible parfois, que l'eau à cet endroit peut se vaporiser et former des bulles de vapeur d'eau. Ce sont ces bulles que l'on voit très bien lorsque, dans la vie ou dans un film, on regarde un bateau à hélice passer au-dessus de soi lorsqu'on est sous l'eau. Et qu'arrive-t-il à ces bulle ? dès qu'elles ont quitté la zone de basse pression où elles se sont formées, elles n'ont qu'une envie: se transformer en eau liquide à nouveau. Et ce phénomène est très violent: les bulles s'effondrent litérallement sur elles-même par le biais d'ondes de choc qui convergents en leur centre. Et là que se passe-t-il ? Une violente surpression bien sûr. Et pour l'hélice de bateau, ce n'est pas bon du tout: au fil des ans, tous ces petits chocs arrachent litérallement de l'acier, et l'hélice semble mangée aux mites. Un détail amusant: il est facile d'entendre le son de la cavitation: il suffit de faire craquer ses doigts ! Le son que l'on entend est le son des bulles de caviations qui s'effondrent contre les articulations, bulles crées lorsque le liquide baignant certaines parties de ces articulations est localement soumis à des dépressions brutales. Et quand on voit ce que ces bulles peuvent faire sur une hélice de bateau en acier ... on comprend pourquoi on dit qu'il n'est pas bon de faire craquer trop souvent ses articulations.

Bref, conclusions de ces deux exemples: au travers d'impacts ou de mouvements très violents dans l'eau ou au travers de sa surface, des pressions localement très fortes peuvent être crées, bien plus fortes que celles que Bernoulli prédit.

Bien sûr, nos chères maisons horlogères n'ont pas étudié tout cela en détail, mais l'usage a montré peu à peu qu'une montre étanche à 30 m résistait mal aux plongeons, tandis qu'à partir de 100 m tout allait mieux. Donc pour une fois ... leurs prescriptions ne sont pas superflues.

Bon, bien sûr, la pression n'est pas le seul soucis, et comme le disais Alain très justement, les effets combinés de cette pression, de la viscosité plus faible de l'eau (oui, ramenée à sa masse, elle est plus faible que celle de l'air) et des effets corrosifs peuvent encore aggraver cette inquiétante description.

Voilà voilà, maintenant je retourne me baigner. :-)

A bientôt,

Pierre


Tu abordes la dernière partie du sujet qui est "les recos de la FHS"....

écrit par Bruno le 07. Août 2001 16:05:04:

en réponse à: PAs d'accord, mais ... pas du tout ! :-( écrit par Pierre le 07. Août 2001 14:50:45:

Salut Pierre,

je suis bien d'accord avec ton message. Mais tu parles ici de conditions particulières que sont les impacts (le plongeon) qui je te l'accorde créent des surpressions bien plus grandes que celle recontrée lors des déplacements humainement envisageables sous l'eau (les vitesses du fluide et les pressions rencontrées dans les conditions de choc sont bien sûr beaucoup plus variées, dans les deux sens d'ailleurs - surpression et cavitation).

La FHS recommande donc une montre étanche à 100m pour plonger du bord, soit.

Mais cela n'enlève pas le fait que tu vas, au plus fort de ta forme, péniblement créer un tout petit demi bar de pression dynamique en gesticulant sous l'eau et c'était bien le sujet de mon article. Et moi je n'arrive pas à faire de caviter la montre en déplaçant mon bras sous l'eau ;o). De plus, la cavitation apparaît plus tard lorsque la pression statique augmente.

Bref, merci de tes précisions et bonne baignade.

Amicalement,

Bruno


de retour

écrit par Pierre le 12. Août 2001 20:36:01:

en réponse à: Tu abordes la dernière partie du sujet qui est écrit par le 07. Août 2001 16:05:04:

Vrai vrai, tu ne créeras jamais de forte surpression simplement en nageant. Mais il faut bien voir que la montre doit survivre à toutes les étapes de la plongée, et même si on ne s'amuse pas à sauter palmes en avant de 5m de haut, il est de bon ton tout de même que la montre résiste aux impacts de vagues lors de l'entrée et de la sortie de l'eau (et en particulier chez les professionnels, on ne choisit pas toujours le niveau de la houle lorsqu'on plonge).

Bref, ce que je reproche un peu à ton article, c'est qu'il tend a vouloir montrer (mais c'est peut-être parce que c'est moi qui l'ai pris comme ça) que les montres de plongée sont outrageusement surdimensionnée. En pratique, ça n'est pas vrai.

Quand au bulles de cavitations, à nouveau le moindre plongeon dans une marre en crée des dizaines. Mais c'est un autre problème ...

A bientôt, bravo quand même pour stimuler ces querelles de théologiens par tes articles toujours très bien écrits,

Pierre


Re: de retour

écrit par Bruno le 13. Août 2001 11:54:05:

en réponse à: de retour écrit par Pierre le 12. Août 2001 20:36:01:

Pierre,

merci de ton commentaire sympathique sur mes articles, ça fait toujours très plaisir.

Cet article ne visait pas à dire que les montres de plongée sont surdimentionnées mais bien que quand une marque écrit que sa montre est donnée pour 300m, on peut bien descendre à 295m (à peu près) avec.
Une fois passée l'éprouvante mise à l'eau (qui constitue un seuil invariable, quelle que soit la profondeur à laquelle on plongera - disons que celà demande de résister à 10 Bars), les mètres réels sont corrélés avec les mètres théoriques.

Un petit élément pratique : une IWC, dont le nom m'échappe sur le moment, est une véritable montre de plongée, car dotée d'un Baromètre à Rattrapante (cool pour les logbooks de plongée) et elle est donnée pour 100m maxi. L'échelle barométrique va jusqu'à 45m.
Pourquoi l'échelle s'arrête-t-elle à 45m ? Ca c'est la question qui tue. Est-ce encore parce que IWC considère que l'on ne peut pas aller à plus de 45m avec une montre donnée pour 100m ? Je pense, plus simplement, que c'est parce que au delà, un ordinateur s'impose de toute façon et que peu de gens descendent régulièrement plus bas que 45m.
Enfin, ce Baromètre mécanique est miniaturisé pour loger dans une boîte de 40mm et la linéarité du mécanisme doit être difficile à obtenir sur une si petite surface. Et IWC se positionnant sur le créneau des outils de précision ils préfèrent certainement limiter le Baro à 45m avec une réponse plus exacte plutôt que de s'aventurer aux limites du mécanisme au détriment de la précision.

Voilà.

Bon retour au fait,

Amitiés,

Bruno


dernier petit truc...

écrit par Bruno le 13. Août 2001 11:56:34:

en réponse à: Re: de retour écrit par Bruno le 13. Août 2001 11:54:05:

Je plonge avec des montres étanche à respectivement, 30 et 150 Bars, mais jamais avec celles étanches à 100m. Donc côté surdimensionnement, je suis un adepte ;o)

Amicalement,

Bruno


Merveilleux consensus !

écrit par Pierre le 13. Août 2001 16:52:17:

en réponse à: Re: de retour écrit par Bruno le 13. Août 2001 11:54:05:

Me voilà maintenant assez d'accord avec toi: une fois passé le cap de l'entrée dans l'eau et de tout ce que cela comporte, descendre à 50 m ou 100 m ne fait plus aucune différence. Donc, en effet, si l'on considère que 100 m d'étanchéité (par exemple) sont suffisants pour supporter tous les plongeons de tous types, alors on doit pouvoir effectivement descendre à 100 m une fois la surface de l'eau franchie (d'une manière ou d'une autre). Et de même, avec une montre étanche à 30 m on doit pouvoir effectivement descendre à 30 m, mais seulement si l'on prend la précaution d'introduire délicatement la montre dans l'eau. Et bien sûr, ça, on ne le maîtrise pas réellement, ni à l'entrée ni à la sortie.

>Un petit élément pratique : une IWC, dont le nom m'échappe sur le moment, est une véritable montre de plongée, car dotée d'un Baromètre à Rattrapante (cool pour les logbooks de plongée) et elle est donnée pour 100m maxi. L'échelle barométrique va jusqu'à 45m.
>Pourquoi l'échelle s'arrête-t-elle à 45m ? Ca c'est la question qui tue. Est-ce encore parce que IWC considère que l'on ne peut pas aller à plus de 45m avec une montre donnée pour 100m ? Je pense, plus simplement, que c'est parce que au delà, un ordinateur s'impose de toute façon et que peu de gens descendent régulièrement plus bas que 45m.
>Enfin, ce Baromètre mécanique est miniaturisé pour loger dans une boîte de 40mm et la linéarité du mécanisme doit être difficile à obtenir sur une si petite surface. Et IWC se positionnant sur le créneau des outils de précision ils préfèrent certainement limiter le Baro à 45m avec une réponse plus exacte plutôt que de s'aventurer aux limites du mécanisme au détriment de la précision.

Je connais cette IWC, que j'ai toujours trouvée magnifique mais totalement hors de mes moyens. Je ne suis pas sûr que la linéarité de la réponse du profondimètre soit la seule raison de la limitation à 45m. Je pense que la lisibilité de l'échelle doit aussi y être pour beaucoup: avoir une échelle étagée sur 100m dont seul le premier tiers est utilisé opérationnellement, ça serait un choix discutable en termes de lisibilité. Mais quoi qu'il en soit, c'est un bien bel objet (dont le nom m'échappe aussi, et comme je ne suis pas chez moi je ne peux pas aller consulter mes archives).

Une remarque sur cette montre au fait: si ma mémoire est bonne, elle va être arretée par IWC. Je crois me souvenir (sous toutes réserves) que le brave septuagénaire responsable du développement des nouveaux modèles chez IWC (dont le nom m'échappe, Kurt ****, mais que nous avons rencontré à Bâle) nous avait expliqué qu'introduire le mécanisme du profondimètre autour du mouvement supposait d'utiliser un petit mouvement automatique de chez Jaeger, et que globalement on obtenait une bestiole très complexe à produire et plutôt fragile, le dit mouvement n'étant pas ce que l'on fait de plus robuste. Bref, c'est un vague souvenir à confirmer mais il est peut-être temps pour nos amis plongeurs de s'en procurer une avant que ça ne devienne un souvenir.

A bientôt,

Pierre


Cool ! Je pense que tu as raison : la lisibilité a du conditionner le choix ...

écrit par Bruno le 13. Août 2001 17:29:59:

en réponse à: Merveilleux consensus ! écrit par Pierre le 13. Août 2001 16:52:17:

...des 45m de profondeur maxi. Très bonne analyse ! Au fait, je ne l'ai pas dit explicitement mais cette montre figure en bonne place dans ma liste au père Noël.

Pour que l'article sur les montres étanches ne soit pas mal interprété par un autre lecteur, je vais préciser tous les éléments et le mode opératoire en préambule (rentrée dans l'eau etc.).

M'autoriserais-tu à reprendre, en ton nom, les éléments que tu as fournis sur la rentrée dans l'eau de la montre ? Cela ferait alors l'objet d'un "addendum" à l'article comme je l'avais fait avec les éclaircissement fournis par Joël au sujet de la polémique autour de la paternité du tachymètre pour teuf-teuf (revue de la Vitesse).

Amitiés,

Bruno


pas de problème

écrit par Pierre le 14. Août 2001 18:41:01:

en réponse à: Cool ! Je pense que tu as raison : la lisibilité a du conditionner le choix ... écrit par Bruno le 13. Août 2001 17:29:59:

Fais comme bon te semble. Si tu as besoin que je remette tout cela en forme (j'ai écrit mon message en vitesse 10 mn avant de partir à la montagne avec ma fille), n'hésite pas.

A bientôt,

Pierre


Ce qui fut fait !

Au fait, la IWC citée est la "GST Deep One", dotée d'un mouvement automatique Jaeger LeCoultre
Elle coûte la bagatelle de 58.500FF en titane sur titane (Automatique, heure, minute, petite seconde au 6, quantième, Bathymeter (sic)).
Hum, ça fait assez cher le profondimètre mais elle est très jolie...


image d'origine IWC (www.iwc.ch)

Bruno & Pierre - Août 2001

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