Tiens, le fait d’avoir fait rapidement le “points forts/points faibles” du Canon EOS 20D m’a donné l’impulsion pour faire celui du Sigma SD10.
Le Sigma SD10 a été mon premier reflex numérique. Il a été très vite supplanté dans mes mains par le EOS 20D, mais ce n’est pas un mauvais appareil, loin de là. Il a des défauts (le bruit numérique très important dès les sensibilités moyennes et/ou les pauses de durée moyennes est le pire de ses défauts) mais il peut faire du bon travail, si on l’utilise pour ce qu’il sait faire. La qualité des photos qu’il produit est très loin d’être ridicule, et même les couleurs et la précision des détails sont au dessus de la moyenne, à résolution équivalente.
Ce point m’oblige à une digression sur l’art complexe du comptage des pixels, sachant que le marketing y met son grain de sel puisque le nombre de “mégapixels” constitue un argument de vente majeur.
Dans le cas des capteurs les plus répandus que sont les CCD ou CMOS à matrice de Bayer, tous les pixels sont reconstitués. En effet, au moment de la capture, chaque pixel n’est en réalité caractérisé que sur l’une des trois couleurs Rouge,Vert ou Bleu. Le capteur a mesuré pour chaque point l’intensité lumineuse sur une seule des trois couleurs.
Et oui, un capteur 8 millions de pixel comporte 8 millions de points de mesure, mais chacun réagit sur l’une des trois composantes de la lumière, ignorant les deux autres. Pour simplifier, un capteur 8 millions de pixel à matrice de Bayer capture environ 4 millions de points sur la composante Verte, 2 millions sur la Rouge et 2 millions sur le Bleu ! Le processeur embarqué réalise ensuite un traitement pour recréer les composantes manquantes sur chacun des pixels ! C’est donc une interpolation en post-traitement qui permet de reconstituer la valeur sur les trois couleurs pour chaque pixel. D’où l’importance de la qualité de ce traitement et les différences notables entre les différents appareils du marché.
Le SD10 est lui équipé d’un capteur différent dans son principe, le capteur Foveon.
Ce type de capteur, unique et commercialisé par l’entreprise éponyme, capture toutes les composantes de la lumière pour chaque point. Il n’y a pas d’interpolation pour reconstituer la couleur. Il y a quand même un traitement numérique à réaliser bien sûr, mais il ne consiste pas en une “création de couleur".
Foveon, engagé avec ses camarades dans la course au “mégapixel” a trouvé une façon originale (et favorable à son capteur) de compter les pixel.
L’image produite par le SD10 compte 3,4 Millions de Pixels (2268x1512 points) pour 10,2 millions de mesures en “équivalent Bayer". Bien entendu, le chiffre qui apparaît sur le capot avant du SD10 est “10,2 MPix", pas “3,4 MPix".
Toujours est il que les images sont extrêmement bien définies et précises. De ce fait, les 2268 x 1512 pixels initiaux, même si il ne contiennent pas plus d’information que leur nombre le permet, peuvent subir un traitement d’interpolation et produire une image toujours correctment définie équivalente à celle qui sort d’un capteur à matrice de Bayer 6 Mpix (mégapixel). C’est pas mal déjà.
Les points forts du SD10 sont nombreux :
- le capteur Foveon dont l’esprit est intellectuellement plus satisfaisant
- les images très précises qui peuvent être interpolées
- le contrôle de prise de vue sur l’appareil lui même (histogrammes sur les 3 couleurs, y compris en mode zoom, visualisation des zones de sur / sous exposition, etc.)
- l’image peut être traitée (développée) sur la base des fichiers RAW avec le logiciel Sigma Pro Photo qui est une merveille !
- le mode d’enregistrement en fichiers RAW (mais pas de jpeg)
- la mesure de lumière et exposition très efficaces
- la protection du capteur contre la poussière par un écran accessible et facile à nettoyer
- la bonne ergonomie générale
- la construction solide (châssis et capots en métal)
- la gamme d’objectifs Sigma qui est bien fournie et propose de très bons objectifs
- la package accompagnant l’appareil est très complet (alimentation continue, protection pour l’écran de visualisation, les cables (dont le FireWire)
- la connexion firewire (la connexion USB est étonnamment lente)
Le SD10 a également des points faibles :
-la gestion du bruit numérique catastrophique dès 400 ISO (le 1600 est inutilisable)
-la sensibilité aux aberrations chromatiques élevée, pas aidée par l’objectif fourni avec le boîtier (Sigma 18-50mm / 3,5-5,6)
-l’impossibilité d’enregistrement en jpeg ce qui nécessite d’une part des cartes Compact Flash de capacité importante et très rapides, mais également de passer obligatoirement par l’excellentissime logiciel de développement Sigma Pro Photo
-la base qui sert au SD10 est un SA-9, un peu daté (autofocus précis mais lent et peu sensible en basse lumière), obturateur à synchro X un peu lente etc.
-l’absence de flash intégré qui peut être utile de temps en temps
-le mode rafale lent (1,9 image/sec) à cause des gros fichiers RAW
-l’obligation d’investir dans des objectifs à monture Sigma SA, certes de bonne qualité, mais dont la diffusion est confidentielle et le marché de l’occasion inexistant
-l’autonomie très faible puisque un jeu de 4 accumulateurs NiMH 2400 ne dure pas longtemps (quelques dizaines de photos, guère plus)
Pour conclure, le Sigma SD10 est un bon boîtier. Certes, il n’est pas à l’aise sur tous les terrains et il faut le réserver pour le portrait, les paysages ou des activités calmes (essentiellement en raison de l’autofocus très précis, mais un peu lent comparé au cadors de la catégorie, car pour le reste, il est très réactif). La qualité de fabrication tout métal est très élevée et les caractéristiques de la partie image sont très alléchantes.
Il en résulte que le Sigma SD10 est capable de produire de très bonnes images, dont les couleurs sont vives, les détails saisissants. Ces images sont même agrandissables sans problème jusqu’au 20x27cm (un A4 avec les marges quand même !).